Comment une ville occupée devint une ville contaminée
La maison flamando-néerlandaise deBuren à Bruxelles a récemment lancé l’opération Besmette Stad (Ville contaminée), réponse artistique à l’actuelle crise sanitaire; ce projet multimédias et numérique d’envergure se poursuivra pendant l’été de cette étrange année 2020.
Besmette Stad est inspiré de Bezette Stad (Ville occupée), recueil de poèmes de Paul Van Ostaijen (1896-1928), que l’auteur a commencé à rédiger à Berlin le 27 juillet 1920.
Bezette stad est une impressionnante expérimentation qui, se réclamant du futurisme et du dadaïsme, pratique une typographie «décalée», pour ainsi dire «rithmique», et une syntaxe déstabilisante, qu’illustrent avec une originalité à l’avenant des gravures sur bois d’Oskar Jespers.
Amère et désillusionnée, cette oeuvre quasi nihiliste rompt aussi avec l’idéalisme naïf de la poésie du Van Ostaijen d’avant et son «expressionnisme humanitaire».
Quand le monde se déglingue, la langue elle aussi peut se permettre d’imploser. C’est même un devoir.
Durant l’été 1914, Anvers a été surprise par des bombes allemandes lâchées d’un zeppelin. Après de brèves escarmouches, la ville est tombée aux mains de l’ennemi. S’aidant de bribes de chansons, publicités, calicots, extraits de films et coupures de presse, le poète évoque les images et les sons de la ville occupée, plongée dans le plus complet désarroi.
Bezette stad est paru en auto-édition à Anvers en 1921.
«C’est la première grande oeuvre d’art moderniste et multimédias», estime Willem Bongers-Dek, directeur de la Maison deBuren. «Dans ses poèmes, l’auteur réagit à la Première Guerre mondiale, au terrible impact qu’elle a eu sur des villes comme Anvers et Berlin, mais en réalité sur toutes les villes d’Europe.»
À l’heure où une grande partie de notre monde sort lentement de son confinement, ce chef-d’oeuvre avant-gardiste est particulièrement éloquent. À défaut d’occupation, c’est la contamination qui s’est emparée de notre cité. Nos rues ont été désertées et,nous continuons à ressentir dans notre chair combien, dans le fond, notre existence est fragile.
deBuren a demandé à une soixantaine d’artistes flamands et néerlandais – écrivains, dessinateurs, musiciens – de formuler, en s’inspirant de l’argumentation de Bezette Stad, une réponse à la crise sanitaire d’aujourd’hui. Comment nous en remettrons-nous? Que ferons-nous désormais autrement?
Bientôt vous lirez sur le présent site la réponse d’Anke Verschueren et celle de Lieke Marsman.
© D. De Schutter.
Voici la liste (provisoire) des artistes qui collaborent au projet «Besmette stad»
Aafke Romeijn, Annelies Verbeke, Alfred Schaffer, Anke Verschueren, Aya Sabi, Babs Gons, Bauke van der Laan, Benno Barnard, Özdemir, Charlotte Peys, Dean Bowen, Dieter De Schutter, Dirk Van Bastelaere, Eleni Debo, Erik Spinoy, Frank Keizer, Fulco Ottervanger, Gaea Schoeters, Gustaaf Peek, Hélène Gelèns, Iduna Paalman, Ilja Leonard Pfeijffer, Iris Penning, Jeroen Olyslaegers, Koen Broucke, Leo van Maaren, Lieke Marsman, Lies Van Gasse, Lisette Ma Neza, Louis van der Waal, Lucky Fonz III, Maarten van der Graaff, Malika Soudani, Marlene van Niekerk, Mauro Pawlowski, Maxime Garcia Diaz, Neil Akenzua, Nele Eeckhout, Pete Wu, Peter Holvoet-Hanssen, Pjeroo Roobjee, Saartje Van Camp, Sanneke van Hassel, Shamisa Debroey, Simon(e) van Saarloos, Spinvis, Tom Van Bauwel, Ward Zwart, Wide Vercnocke, Willy Darktrousers, Willy Organ en Younes van den Broeck.